Le Repas chez Levi

Le Repas chez Levi, peint par Veronese en 1573, lui a été commandé par les religieux dominicains de l’église Santi Giovanni e Paolo à Venise qui souhaitaient remplacer la Cène de Titien qui avait été détruite en 1671 dans l’incendie du réfectoire.

N’ayant pas trouvé de sources très fiables quant à l’interprétation de cette œuvre, je propose alors de l’étudier à travers  trois sources numériques. La première est le site de Wikipédia, qui est un projet d’encyclopédie collective établie sur Internet, universelle, multilingue et fonctionnant sur le principe du wiki. Le contenu étant modifiable par tout un chacun, il est conseillé de rester prudent quant à la fiabilité des articles. Puis, la seconde source est la base de données iconographiques Utpictura18, qui offre une brève analyse. Ce site est un programme de recherche développé depuis 2009 dans le Centre Interdisciplinaire d’Etude des Littératures d’Aix-Marseille. L’enjeu du projet est d’étudier les relations entre texte et image du Moyen Age jusqu’aux Lumières. Enfin, l’article d’un blog dont l’auteur reste inconnu, qui a pour objet les scandales dans l’art et apporte des informations intéressantes sur le contexte historique de production artistique du peintre vénitien.

Théâtre de tensions terribles entre catholiques et réformée, la seconde moitié du XVIe siècle est marquée par un regain de la censure. Le contrôle des images visait le contrôle de la pensée. C’est dans ce contexte qu’a été réalité Le Repas chez Levi, conçu à l’origine comme une représentation de la Cène. Notre interprétation est donc, au premier abord, faussée par le titre donné. La composition du tableau montre bien qu’il s’agit de la Cène, l’un des épisodes du Nouveau Testament les plus représentés dans la peinture. La Cène est le dernier repas que le Christ a pris avec les douze apôtres le soir du Jeudi saint, avant la Pâque juive, peu de temps avant son arrestation, la veille de sa crucifixion et trois jours avant sa résurrection. Après y avoir mangé la Pâque avec eux, il institua l’eucharistie en disant  » Ceci est mon corps, ceci est mon sang « .

Veronese place le Christ et ses apôtres sous trois grandes arcades probablement inspirées du grand architecte vénitien Andrea Palladio qui, tel un décor théâtral, servent à la mise en scène. Ainsi, la scène n’a pas lieu dans une auberge de Palestine comme de le décrit la Bible, mais dans un riche palais d’architecture classique. Autour d’eux, une foule de personnages vêtus à la mode du XVIe siècle s’affairent à diverses taches et semblent indifférents à la scène. Veronese représente de la sorte un véritable banquet.

Pour ces raisons, les pères de San Giovanni e Paolo ont été indignés d’une représentation aussi détachée du dernier repas du Christ. Refusant de changer la composition de son œuvre, Veronese n’en modifia que le titre. Ce comportement lui valut une convocation auprès du Saint-Office, la déclinaison romaine du tribunal de l’Inquisition, rétabli en 1541.

Le blog dont j’ai parlé précédemment apporte un contenu intéressant sur le procès-verbal de l’interrogatoire de 1573. Cette œuvre a fait l’objet de grandes controverses, d’ailleurs un film documentaire, Veronese, un tableau en procès, le Repas chez Levi, a été réalisé par Alain Jaubert en 1990.

Ainsi, la Cène devient Le Repas chez Levi, un épisode tiré de l’Evangile selon Luc (Lc 5, 29-32) dans lequel Levi, le nom hébreu de l’apôtre saint Matthieu, donne un grand festin dans sa maison.

M.U

La Présentation de la Vierge à la famille Cuccina

La Présentation de la Vierge à la famille Cuccina est une oeuvre qui, à ce jour, a très peu été étudiée. Peinte entre 1570-1572, elle reste une œuvre mal connue de la production du vénitien.

Aucune ressource numérique n’aborde de façon complète l’iconographie de cette œuvre. Je vais donc vous exposer le fruit de mes recherches et tenter de donner une interprétation plausible. Quoique cette ressource soit critiquée dans de nombreuses disciplines, je vais ici prendre appui sur Wikipédia, une encyclopédie libre fondée par Jimmy Wales et Larry Sanger en 2001. Tout le monde le sait, il faut évidement prendre des distances quant à l’objectivité de certains articles. Cependant, je pense ici que les informations sont suffisantes et intéressantes pour notre étude.

Commandée et réalisée pour la famille Cuccina, elle fait partie d’un cycle de quatre peintures qui se trouvaient à l’origine dans le palais familial des Cuccina, sur le Grand Canal à Venise. La série complète fut acquise par Francesco Ier d’Este en 1645, pour intégrer la collection ducale des Modène et elles sont depuis 1746, conservées au musée de Dresde. Les dimensions de ces tableaux nous indiquent qu’ils étaient conçus comme pendants et de fait, quel était à l’origine leur emplacement dans le palais. En effet, en face de la Présentation de la Vierge à la famille Cuccina se trouvait la Montée au Calvaire, aux dimensions semblables, alors que les deux autres toiles l’Adoration des mages et Les Noces de Cana, étaient placées sur les parois latérales.

La Présentation de la Vierge à la famille Cuccina emprunte son format aux peintures religieuses accrochées dans les bureaux publics, et sa largeur est inhabituelle pour une commande privée. A l’extrême gauche de la toile est illustrée la sacra conversazione, selon une iconographie bien attestée durant la Renaissance italienne.  Je vous invite à consulter l’article écrit à ce propos sur Wikipédia.

Devant un somptueux rideau de brocart, la Vierge et l’Enfant, trônant, sont entourés d’un ange, de saint Jean Baptiste qui selon la tradition chrétienne est vêtu d’une peau de bête, de chameau ou de mouton. Il tient dans sa main gauche un bâton portant l’inscription  » Voici l’agneau de Dieu  » énoncé dans l’Evangile de Jean (Jn 1, 36), qui pourrait justifier la présence de l’agneau à ses côtés. Lui faisant face, se trouve saint Jérôme. Traducteur de la Bible en latin, il tient son ouvrage de la main gauche tandis que de l’autre, il exprime un mouvement en direction de saint Jean Baptiste. De la même manière, je vous renvoie à l’article de Wikipédia sur la figure de saint Jean Baptiste et saint Jérôme.

Agenouillés sur les marches à droite des colonnes, dans un espace tout à fait terrestre, se trouvent Alvise Cuccina et sa femme Zanetta, en compagnie de leurs six fils et de leur fille, Marietta. Tout à fait à droite, la nourrice porte un nouveau-né qui serait le petit Zuanbattiste, né à la fin de 1571, ou au début de 1572, qui constitue le premier argument de datation de l’œuvre.

Antonio, agenouillé à droite, joue un rôle plus important, car les trois Vertus Théologales lui accordent une attention particulière. En théologie chrétienne, les Vertus Théologales sont la Foi, l’Espérance et la Charité, ayant Dieu pour objet et qui procèdent de la grâce. Ces vertus disposent l’homme à vivre en relation avec Dieu. Ce groupe tire son origine d’un passage du Première Épître de saint Paul aux Corinthiens (I Co 13, 13)  » Maintenant donc, ces trois-là demeurent, la foi (pistis), l’Espérance (helpis) et l’Amour (ou : charité, agapè) mais l’amour est le plus grand.  » Dans l’œuvre de Veronese, la Foi, personnage central habillé de blanc, qui tient un calice, prend par la main Antonio; l’Espérance incline sa tête voilée et fait des gestes en direction des personnages sacrés ; enfin, la Charité, qui porte une robe rouge, le soutient. Cette théologie  chrétienne est parfaitement expliquée dans l’article de Wikipédia.

Par sa composition théâtrale, l’importance accordée au dessin associé au coloris, elle illustre la  » maniera  » de Veronese qui se détache en partie de ses contemporains vénitiens. Ainsi les qualités artistiques de Veronese sont mises au service de la famille Cuccina pour exalter leurs richesses à travers l’aspect fastueux de la scène et leur piété par la présence de la sacra conversazione et des trois Vertus Théologales, qui apportent le salut.

M.U

Les Pèlerins d’Emmaüs

Afin d’étudier plus en détail Les Pèlerins d’Emmaüs de Veronese, réalisé vers 1559, une des œuvres que nous avons choisie pour illustrer notre propos plus général sur l’art du vénitien, il nous faut prêter attention au thème iconographique présenté.

Pour ce faire, je vais prendre pour référence l’analyse faite par Aline François pour le site du Musée du Louvre qui donne les éléments essentiels pour la compréhension de l’œuvre. En second lieu,  je recommande le site Actualité des arts qui offre une étude attentive et intéressante quant à l’iconographie de cette œuvre. L’auteur de l’article se nomme Gilles Coÿne, cependant, ne se présentant pas et ne trouvant aucune information à son sujet, il me semble qu’il s’agit d’un amateur érudit. Le contenu est tout de même très pertinent.

L’épisode des pèlerins d’Emmaüs a pour source l’Evangile de Luc, (Lc 24, 13-35). Ces  » pèlerins  » sont en réalité deux disciples de Jésus. Luc dit précisément :  » deux d’entre eux se rendaient à un village du nom d’Emmaüs « . Il mentionne les Sainte Femmes et les apôtres, après la découverte du tombeau vide. Il s’agit clairement de deux apôtres. Ceux-ci marchent sur la route qui va de Jérusalem à Emmaüs. Jésus ressuscité les rejoint, fait route avec eux et leur demande quel est le sujet de leur conversation. Ils évoquent alors le mort du  » grand prophète Jésus de Nazareth « , leur propre tristesse et leur perplexité à la nouvelle du tombeau vide. Acceptant de partager le repas de ses compagnons, «  il prit le pain, dit la bénédiction, rompit le pain et leur donna « . Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. Les disciples reprennent alors le chemin de Jérusalem, afin d’annoncer aux autres apôtres la Résurrection du Jésus.

Veronese présente donc le moment crucial, c’est-à-dire le repas. Caractéristiques de sa peinture, il donne ici à l’événement un aspect assez frivole puisque l’auberge se transforme en luxueux palais classique. Ainsi les trois protagonistes sont entourés d’un groupe de personnages richement vêtus,  il s’agit sans doute du commanditaire et de sa famille. Les deux disciples peint par Veronese ne marquent pas vraiment leurs étonnements, mais leurs gestes mettent en valeur la figure centrale du Christ et du pain, dans une composition pyramidale. A l’arrière-plan, un paysage donne de la profondeur à l’œuvre mais on distingue surtout les deux pèlerins entourant Jésus cheminant. Ainsi, le peintre a représenté l’action qui précède l’événement principal du tableau, dans un  principe de narration continue. En mêlant intimement le divin et le terrestre, Veronese met l’accent sur l’humanité du Christ. Ce premier grand tableau religieux, dont on ignore le commanditaire, annonce les effets scéniques des Noces de Cana, puisque cette œuvre de jeunesse, est la première représentation d’un repas biblique peinte par Veronese qui soit construit comme une scène de théâtre incluant des portraits contemporains.

M.U

L’iconographie


Dans le cadre de notre étude sur l’art de Veronese, il nous a semblé fondamental d’aborder l’étude iconographique de ses œuvres qui, comme nous l’avons dit, sont caractérisées par un espace scénique entre sacré et profane.

Pour une définition du terme « iconographie » et de son évolution, je recommande l’Encyclopédie Larousse, qui aborde de façon thématique ce propos en débutant par une définition très complète, puis l’histoire et le développement de l’iconographie et de l’iconologie moderne, enfin une partie critique concernant l’utilisation de la discipline. Pour avoir utilisé plusieurs fois cette encyclopédie je la trouve très simple d’accès. En effet, l’article présenté est extrait du Dictionnaire de la peinture, publié en 2003  aux Editions Larousse, écrit sous la direction de Michel Laclotte et Jean-Pierre Cuzin.

L’iconographie est par définition l’étude méthodique des représentations plastiques (peintures, sculptures, gravures) d’un sujet donné (personne, époque, thème, symbole, lieu, civilisation, religion), avec leurs sources, leurs significations et leur classement. L’iconographie est à distinguer de l’iconologie qui est employée dans le cadre d’une plus vaste interprétation du sens d’une œuvre d’art au sein d’une culture spécifique.

Comme l’explique l’article, Erwin Panofsky distingue trois degrés d’interprétation. Le premier, pré-iconographique, détermine le sujet principal ou naturel, à la fois descriptif et expressif. Le deuxième degré, iconographique, identifie le thème secondaire ou conventionnel. Enfin, l’interprétation iconologique.

D’un point de vue historique, l’iconographie a ses racines profondes dans l’histoire de l’étude de l’art du passé. En effet, depuis la Renaissance et jusqu’au XIXe siècle, elle constitua l’objet principal de la recherche, comme elle demeure encore le propos essentiel de l’ethnographe et de l’anthropologue. L’article fait ainsi référence à de nombreux auteurs et historiens de l’art ayant fait évoluer cette discipline.

La critique de l’iconographie est en effet un point important. L’étude de l’iconographie a toujours eu ses détracteurs et non seulement parmi les historiens d’art, qui croient que leur travail est terminé lorsqu’ils ont attribué et daté un tableau, mais aussi parmi les tenants de l’art pour l’art. Les iconographes se sont eux-mêmes souvent exposés au reproche qui leur est fait de se désintéresser du style. Ces critiques sont toujours présentes, mais c’est aussi une question de bon sens car dans la discipline de l’histoire de l’art la limite avec la sur-interprétation est parfois très mince.

M.U